Il y a beaucoup à redire sur le type de croissance économique et le système financier adoptés dans le projet de loi de finances complémentaire. Les experts, mais aussi et surtout la Banque centrale, relèvent que certains chiffres et données étaient immodérés et déraisonnables. Tout cela sans compter le déficit record susceptible d’être atteint et le recours à un endettement intérieur de plus de 10 milliards de dinars ! Ce qui a poussé la BCT à s’opposer au financement du déficit budgétaire, estimant que le recours excessif au financement interne aura des répercussions négatives sur les équilibres économiques et sur le secteur bancaire qui participera aux efforts de mobilisation des ressources. Cela n’a pas manqué aussi de susciter des avis pessimistes sur les perspectives économiques du pays.
Il semble évident que les réformes et les améliorations auxquelles on aspire ne sont ni adaptées pour faire face à un contexte marqué notamment par la crise sanitaire, ni suffisantes pour attaquer réellement les points faibles, la récession et le ralentissement de l’économie tunisienne. Plus grave encore : le déficit budgétaire ne cesse de s’amplifier vu les dépenses colossales et démesurées pour faire face aux multiples charges. Les pouvoirs publics ne disposent pas des ressources nécessaires pour subvenir aux besoins à caractère social, économique et financier. Il n’y a sans doute pas d’image plus emblématique de la grande dépression financière que connaît la Tunisie depuis 2011. Ce n’est ni surprenant, ni inattendu eu égard notamment aux années passées à l’écart du système. Le modèle tunisien de performance, ou du moins de redressement économique, ne s’est jamais adapté aux exigences de l’étape. Il traduit une défaillance caractérisée dans tout ce qui a rapport à la gestion et à la gouvernance, aux méthodes et stratégies économiques et financières.
La réaction et les avertissements de la Banque centrale face aux aléas contenus dans la loi de finances ont été confirmés par le Président de la République qui a insisté, lors de son entretien avec le gouverneur de la BCT, sur la nécessité d’identifier des solutions véritables aux problèmes qui se posent actuellement, et de ne pas se contenter de mesures «conjoncturelles, dont l’impact à moyen et long termes serait lourd à assumer». Pour sa part, le président de la commission des finances, de la planification et du développement au sein du Parlement a annoncé que le gouvernement a accepté de revoir sa copie concernant la loi de finances complémentaire 2020. Sur la même lancée, le Chef du gouvernement a promis aux représentants des entreprises étrangères installées en Tunisie de garantir un climat favorable à l’investissement, insistant sur le fait que la situation actuelle que traverse la Tunisie ne supporte pas davantage de pression fiscale.
Les choix relayés dans les différentes perspectives et alternatives consistent en effet à doter l’économie tunisienne des moyens nécessaires pour faire face à la récession et au ralentissement qu’elle ne cesse de subir d’une étape à l’autre. Le constat prend une plus grande dimension, notamment à l’évocation des modèles d’autres pays dans leur redressement économique. Au-delà d’une simple pratique régulière, leur méthode repose sur un niveau d’exigence au quotidien très élevé. Rigueur et discipline sont les maîtres-mots. La priorité pour la Tunisie est aujourd’hui très claire: développer une compétence de travail hors norme, un mental et une culture de performance.
Tout ce qui doit s’accomplir ne peut être que l’expression d’une rupture entre ce qui précède et ce qui se construit.